lundi 25 mai 2015

Jour férié

25 mai 2015


J'ai donc passé une mauvaise nuit, tout au moins une nuit qui n'a pas été faite d'eau et de berges calmes. Par cinq fois au moins des nausées m'ont réveillé, m'obligeant à me lever pour me rendre aux toilettes. La sixième fois fût la bonne, le moment du vomissement. Cependant cela ne m'a pas agacé, contrairement à avant, même pas contrarié. Non, je crois que je commence à prendre l'habitude que je ne contrôle rien de mon corps, de ses réactions et actions et que j'ai pris partie de faire avec, de le prendre tel qu'il est, et peu importe qu'il me dérange. J'ai donc peu dormi encore une fois, me suis levé tôt, vers 7h00, et déjà, là encore, mon cerveau me jouait ses partitions, sa radio, ses fréquences. Donc, en plus de médicaments hebdomadaire, j'ai de suite pris un antalgique. Je crois qu'il commence à faire effet car déjà je n'entends plus les bourdonnements.

Ce matin, jour férié, tout est fermé à Rennes. Il est 9h00 à présent. Je suis donc à la terrasse d'une boulangerie, place Sainte-Anne, seul lieu ouvert pour consommer. Tous les autres cafés, sans exception, sont fermés. Ils ouvriront dans une heure ou deux, voire cet après-midi. Je suis donc au milieu de cette grande place, seul à la terrasse de cette boulangerie, mon ordinateur grand ouvert sur la table et seuls une dizaine de passant ont défilé depuis mon arrivée. Oui, la matinée sera calme, ce que j'apprécie. Tous les jeunes fidèles de ce quartier sont absents. Sans doute se remettent-ils de leur soirée d'hier, font-ils la grâce matinée, comme Cynthia est entrain de le faire actuellement.

Je pense à Mamy qui a marcher 10km le long de la baie du Mont Saint-Michel, un exploit complètement hors de ma portée. Je ne sais même plus si je pourrai marcher plus d'un kilomètre d'affilé, sans interruption, sans moment d'arrêt. Oui, l'ablation d'une partie de mon poumon droit a bel et bien laissé des séquelles. L'opération remonte pourtant à il y a plus d'un an. C'était en mai 2014 et, malgré tout ce temps passé, j'ai encore des douleurs aux côtes que l'on m'a écarté pour accéder au poumon. Ces douleurs sont cependant gérable, mais elles handicapent ma marche, tout comme mon souffle qui n'est plus du tout le même. Effet collatéral, voire direct du cancer. Il y avait la tumeur, il fallait l'enlever, l'ôter, la supprimer, ce qui a été très bien fait par mon chirurgien. Même si la douleur de mes côtes et mon soufflement constant se rappelle sans cesse à mon souvenir, je ne pense pourtant jamais à la grande cicatrice issue de cette opération. Il faut dire que je ne me regarde jamais dans la glace, que la salle de bain n'est pas endroit où je met souvent les pieds et, d'une manière générale, je préfère être en dehors de mon domicile qu'à l’intérieur, quelque soit le temps, le climat, qu'il vente ou qu'il pleuve, que le soleil soit présent ou absent. Hier, à l'âge de nos ancêtre, je n'aurai pas été un sédentaire, mais un chasseur nomade, j'en suis sûr, arpentant les terres à la recherche de ma nourriture, visitant ainsi chaque jour de nouveaux paysage, étant une proie potentielle pour je ne sais quel carnassier, mais heureux de me mouvoir dans l'espace non cloisonné de la nature, de sa diversité, ayant alors certainement le sentiment de ne faire qu'un avec cette dernière, ce qui n'est pas du tout le cas aujourd'hui.

Hier soir Cynthia a écrit. A ma connaissance, car c'est une petite cachottière parfois, cela faisait longtemps, bien longtemps qu'elle ne l'avait pas fait. C'est comme cela que nous nous sommes connus, à travers l'écrit, à travers nos blogs respectifs à l'époque, en 2008. Oui, longuement nous avons conversé alors, tantôt sur les écrits de l'un, tantôt sur les écrits de l'autre. C'était pour moi une véritable belle époque, presque une renaissance, où je me reconstruisais lentement mais sûrement. J'étais à Paris et elle à Lyon. Un jour je suis donc descendu la voir et, depuis, plus jamais nous ne nous sommes quitté. Mais je me répète, tout cela je l'ai déjà écrit mainte et mainte fois, à commencer dans mon autobiographie. Les deux ou trois premier chapitres sont cette histoire, celle de notre rencontre, aussi surréaliste qu'improbable, et pourtant... Donc hier soir elle a écrit. Elle racontais ce qu'elle éprouvait, ressentait, comprenait de sa place, de la mienne, de celle de sa mère, en étant de l'autre côté de la barrière, celle du cancer, là où la maladie n'est pas mortelle à la place qui est la sienne, mais où elle impacte de fond en comble sa perception, son approche de bien des choses. Je lui ai dit que je publierai son écrit sur mon blog. Il sera son témoignage, celui d'une personne qui lutte, à sa façon, avec ses moyens, aux côtés d'un cancéreux, d'un homme de plus en plus invalide dont l'état d'esprit ne cesse de changer, d'évoluer, de se modifier. Oui, je pense qu'il est sain, salutaire, de comprendre le point de vue de ceux et celles qui nous assistent, nous supportent, prennent soin de nous. Eux aussi sont dans l'épreuve, même si elle est d'une nature différente, n'engendrant pas du tout les mêmes anxiétés, les mêmes doutes, les même remises en question. Si c'est elle qui avait eu un cancer, je me demande comment j'aurai géré la chose. Aurais-je été aussi patiente qu'elle ? Aurais-je été sans contrariété au petits soins ? Aurais-je accepté ses changements psychologiques ? Aurais-je admis que certains de mes projets tombent à l'eau, disparaissent comme ça du jour au lendemain dans je ne sais quel néant ? Comment aurais-je vécu, éprouvé ses traitements et leurs effets secondaires sur sa personne ? Oui, j'ai bien de la chance de l'avoir comme compagne, que ce soit elle, ce qu'elle est, et pas une autre. Je n'aurai pas supporté quelqu'un comme ma mère par exemple. Elle m'aurait tué bien avant le cancer avec toutes ses bonnes intentions qui n'auraient souffert que je m'y oppose. Cela aurait donné lieu à mil et un clash, mil et un conflits, discordes, incompréhension totale. Oui, ma mère et bien d'autres ne peuvent concevoir, admettre, que je désire mourir, sincèrement, profondément, tant notre monde ne m’intéresse plus. Cependant il ne serait être question de suicide car, malgré la nausée que me donne notre monde, je suis attaché à certaines personnes qui, dans mon regard, valent amplement la peine que je vive encore, pour leur plaisir et le mien. Il reste au moins çà.

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