mardi 5 mai 2015

Je pense...

5 mai 2015


Je pense à ma compagne, celle qui m'accompagne, celle que j'accompagne, que j'aime, sincèrement, entièrement, tendrement, Cynthia, qui est aussi solide qu'elle est fragile, qui voudrait totalement tenir sa vie entre ses deux seules mains, ne s'autorisant que l'effort plutôt que le laisser-aller qui m'est propre, qui, pour avoir sa vie en main, pour que sa barque aille là où elle le souhaite, aimerai également avoir prise sur les autres, tout au moins ses proches, dont moi, afin que rien ou presque n'échappe à son contrôle. Aime-t-elle vraiment les surprises ? Il est difficile de prendre soin d'elle tant elle se protège, parfois se barricade derrière un mur, une apparence qui ne laisse rien transparaître, hormis ce qu'elle veut bien montrer.

Je pense à ma fille, cette pré-ado de treize ans. Que le temps a passé vite, déjà, je suis resté à ses cinq ans. Elle se voudrait intrépide, téméraire, mais souvent ses peurs sont beaucoup plus fortes qu'elle. Alors elle abdique et se dirige vers d'autres occupation. Comment je l'aime ? Je n'en sais rien. C'est indéfinissable et pourtant mon lien envers elle est le plus fort. Je le crois, rien ne pourra jamais le casser. Qu'en est-il d'elle envers moi ? Quel est son type de lien ? Même si je ne suis pas grand chose pour elle, dans les faits, dans les actes, je sais néanmoins que je compte pour elle. Mais dans quelles proportions, dans quelle mesure, jusqu'où ou jusqu'à quel point suis-je important à ses yeux, dans son cœur ?

Je pense à  ma mère, Colette, un prénom comme un autre dira-t-on, mais qui résonne en moi comme tout le mal et le bien qu'elle m'a fait. Comment je l'aime ? Là aussi je n'en sais rien. Elle est importante dans mon esprit, c'est indéniable, mais pas forcément pour le meilleur. Pourtant il y a beaucoup de bon en elle, en tout cas la volonté de donner du bon, mais son esprit borné gâche souvent tout. Depuis mon départ de Paris, il y a dix jours maintenant, je ne l'ai pas appelé une seule fois, même pas pour la remercier de m'avoir accueilli avec ma fille. Je le ferai plus tard, peut-être, lorsque je serai en état de supporter à nouveau sa voix, son ton, sa vitesse de débit et, éventuellement, l'entendre monologuer sur les thèmes qui lui sont chers, thèmes dont je me contrefous.

Je pense à mon frère. Trois petites années nous séparent, mais à nos âges cela n'a plus de sens. Lui aussi je ne sais comment je l'aime, mais s'il mourrait aujourd'hui ou demain, combien je serai triste, en peine, comme orphelin. Depuis sa majorité, il a été mon confident, l'unique, et il n'y en aura jamais deux. Mais ce n'est pas le confident à qui je confie mes joies, non, pas du tout. Il est le confident de mes peines, uniquement d'elles, de toutes mes peines et de mes plus profonds doutes. C'est un lourd fardeau que je lui ai attribué, très lourd, et il l'a accepté, continue à l'assumer. De mon côté, pour lui, je ne peux rien faire. Je ne suis ni son confident, ni son ami, juste un frère de sang dont il n'a pas besoin pour mener sa vie. Dans le meilleur des cas, je suis pour lui une aide utilitaire, matérielle, financière, et j'accepte ce rôle ingrat car lui porte mon fardeau, tout mon fardeau.

Je pense à ma sœur et ne sais, justement, quoi penser d'elle. Certes, nous avons grandi ensemble. Je l'ai protégé, aidé, ai voulu être son grand frère. Elle a un an de moins que moi. Bref, aujourd'hui, tout comme avec mon frère, nous avons le même âge. Elle n'a jamais été ma confidente, mais plutôt une compagne de loisir lorsque l'opportunité se présentait. C'est encore le cas aujourd'hui. Plusieurs fois dans le passé, alors que je n'en pouvais plus de souffrir, elle m'a fermé sa porte tandis que je lui demandais de me l'ouvrir. Est-ce que je lui en veux ? Oui et non. Oui parce que cela ne correspond pas à l'idée que j'ai des relations familiales, relations où je pense évident l'entraide, quoi que l'on pense de l'autre, de ses actes, de son action. Et non je ne lui en veux pas car, même si elle m'avait ouvert sa porte, cela n'aurait pas résolu mes problèmes. C'était l'époque de nos vingt-cinq ans. Depuis, plus jamais je ne lui ai demandé quoi que ce soit, plus jamais je n'ai attendu quoi que ce soit de sa part qui soit fait de manière spontanée, hormis d'organiser des moments de détentes, tel les bons repas auxquels elle m'a convié chez elle récemment.

Je pense aussi à mon père, mort en 2001, au Maroc. Est-ce que je peux dire que je l'aime ? Certes, même si pour moi il est loin d'être un modèle, je ne l'ai jamais détesté. Par contre il m'a souvent exaspéré, énervé, déçu. La mère de ma fille est à son image. Ils vivent dans un univers qui n'existent pas, qui leur est propre, et pour préserver ce dernier, n'avoir pas à le remettre en cause, alors ils sont capables de mentir sans relâche, de travestir la vérité avec aplomb, de se faire passer pour des victimes si besoin est. Oui, sur ce point là, ce sont des merdes, de vrais merde, en tout cas dans mon regard. Mon père ne me manque pas. Mais n'est-ce pas normal puisque même lorsque nous vivions ensemble, déjà, il était la majorité du temps absent, déléguant toute notre éducation à ma mère.

Oui, je pense, je pense à bien des gens, pas seulement à ma famille, y compris à des personnes que je ne connais pas, comme Zazou, Mamy, Catherine et la nouvelle blogueuse que je découvre en ce moment. Que de gens, que de personnes, dont les mots, les maux, la parole ou l'écriture, font ruminer ma tête, ma réflexion, accompagnant mes pas, qu'ils le sachent ou non. C'est ma galaxie, chacun, chacune y a une place. Étant seul à Rennes, physiquement, il n'y a aucune interférence entre tous ces êtres, je n'ai donc aucun conflits interne, même s'ils sont tous différents, avec des points de vue parfois divergents, mais je prend le tout et m'en arrange, fais le tri comme je le peux, essaye de ne garder que le meilleur de leurs messages, de leurs actions. Oui, tout ce beau monde fait que je ne me vis pas dans la solitude, loin de là, car même s'ils ne sont pas là physiquement, hormis Cynthia, je sais que je peux les atteindre, les joindre, me manifester à eux le cas échéant, si j'en ai besoin.

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